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Familles et écoles résilientes en période de pandémie: regard sur le rôle des parents et la collaboration école-famille

Résumé par Rollande Deslandes, professeure Émérite et Associée, UQTR, 3 juin 2020
Des mercis sincères aux parents et surtout à la maman pour ce témoignage.

Le Québec, tout comme les autres provinces du Canada, a fermé ses écoles à la population étudiante en guise de mesure de distanciation sociale lors de l’éclosion de COVID-19, le 13 mars 2020. D’abord présentée

comme des vacances par le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, cette pause

s’est transformée en obligation pour les enseignants de délivrer des cours et aux élèves

de réaliser les exercices scolaires jugés jusque-là facultatifs. Il n’était plus question

d’exercer un suivi pédagogique sur une base volontaire. D’après les consignes

ministérielles, les enseignants doivent dorénavant contacter tous les élèves plusieurs

fois par semaine. L’enseignement en ligne est devenu un véhicule important pour

l’enseignement et les interactions enseignants-élèves et ce, même depuis la

réouverture des écoles primaires et des services de garde dans certaines régions du

Québec. En effet, comme la fréquentation scolaire des élèves du primaire a été jugée

optionnelle, seul environ 50% des parents ont choisi de retourner leurs enfants à

l’école afin de terminer leur année scolaire. Ils étaient avisés que la formation se

donnerait en petits groupes de 15 élèves avec possibilité que tous les locaux des écoles

(cafétéria, bibliothèque et gymnase) puissent devenir des salles de classe et que les jeunes

n’aient pas nécessairement leur enseignante titulaire. Il est d’abord vivement recommandé aux

grands-parents âgés de 70 ans et plus de demeurer confinés. Impossible de faire appel à leur aide habituelle pour garder les petits-enfants et suppléer à certains tâches domestiques sans les mettre à risque d’être contaminés par la COVID-19.

Or les médias sociaux regorgent parfois de titres alarmants tels: «Consignes confuses, messages contradictoires». Y a-t-il lieu de s’inquiéter des conséquences de la pandémie sur la réussite des élèves? Qu’advient-il du rôle des parents/familles et des relations école-familles en ces temps de turbulence? Nous avons tenté de trouver des éléments de réponse en nous penchant sur un cas en particulier, voire un parent/une famille que nous connaissons et avec qui nous avons eu un entretien, le 28 mai dernier. Pour analyser les propos de ces derniers qui rendent compte de la réalité quotidienne et hebdomadaire, nous avons retenu les paramètres tant étudiés dans nos travaux des 25 dernières années: soit les caractéristiques associées à la famille et aux enfants, le rôle des parents et la collaboration école-famille.

 

Caractéristiques de la famille

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La famille dont il est question est composée de deux parents biologiques, trois garçons dont un en 1ère année, l’autre en 4e année et le dernier en 6e année ainsi qu’une fille fréquentant la maternelle. L’un des garçons a des difficultés d’apprentissage (EHDAA). Les deux parents ont un baccalauréat de premier cycle et la mère a enseigné dans le passé. Comme celle-ci travaille à la maison, ils ont donc un revenu familial moyen. Ils vivent dans une petite communauté située en milieu semi-rural dans la région de l’Estrie. L’école que les enfants fréquentent reçoit une centaine d’élèves de niveau primaire. Les parents, avec l’assentiment de leurs jeunes, ont choisi de ne pas retourner leurs enfants à l’école.

 

                                                                                    Rôle des parents et collaboration école-famille

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                                                                                    Dès le début de la pandémie, la maman a pris soin d’établir une routine. Le

                                                                                    travail à la maison débute à 9h00 et se poursuit jusqu’à midi. Dans l’après-

                                                                                    midi, une période de 20-minutes est consacrée à la lecture et certains des

                                                                                    enfants doivent poursuivre les travaux non terminés. Au tout début de la

                                                                                    pandémie, les enseignantes ont envoyé des travaux et de la lecture aux

                                                                                    enfants. La dernière journée avant la fermeture de l’école, les enseignants

                                                                                    avaient invité les parents à emprunter des livres de l’école. De plus, comme

                                                                                    toute la famille est membre de la bibliothèque locale, d’autres livres ont

                                                                                    aussi été empruntés avant la fermeture de l’école. Quant au reste de l’après-

                                                                                    midi, il porte sur des activités ludiques, qui se passent beaucoup à

                                                                                    l’extérieur et dans la nature. Les enfants doivent tous réaliser des tâches qui

                                                                                    leur sont assignées à partir d’un tableau de corvées quotidiennes. Aussi, ils

                                                                                    sont très impliqués dans les divers projets de production agro-alimentaire artisanale de la famille (potagers, verger, basse-cour, plantation d’arbres, bois de chauffage, etc.). Récemment, ils ont également participé à une activité bénévole pour un OSBL, activité qui consistait à planter 150 arbres feuillus en forêt.

 

Au départ, les enseignantes ont vérifié si les enfants à la maison avaient des besoins particuliers de même que le matériel informatique nécessaire. À la suite de la réouverture des écoles, l’équipe scolaire a convenu imprimer le matériel didactique aux familles qui le désirent. A tous les débuts de semaine, les enseignantes acheminent par courriel un plan de travail pour chaque enfant de niveau différent. Il est accompagné d’exercices et de capsules pertinentes qui expliquent de quelle façon le travail doit être effectué. Des rencontres en visio-conférence (MS Team) sont organisées pendant la semaine avec l’enseignante titulaire ou avec l’enseignante responsable du suivi des élèves à la maison. Ces rencontres peuvent regrouper les élèves en présentiel (en classe) et/ou ceux à la maison. Par exemple, l’enseignante peut demander à l’élève à la maison de démarrer une causerie. Même si certaines familles comptent beaucoup d’enfants, il reste difficile pour les enseignants de juger de la charge de travail que représentent ces rencontres pour les parents à la maison. Au début de la pandémie, l’enseignante titulaire du jeune qui a des difficultés assurait un suivi sur une base hebdomadaire. Depuis la réouverture des écoles, ce sont trois enseignantes qui ne peuvent être en présentiel à l’école pour des raisons de santé qui se répartissent le suivi de la quarantaine élèves qui travaillent à la maison.

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La maman compare sa charge de travail à celle d’un poste de remplaçante scolaire,

en plus d’avoir à gérer le temps et le matériel informatique pour ses quatre enfants

de niveaux différents. Elle a comme tâche première de répartir le travail

académique hebdomadaire en fonction du niveau scolaire de chaque enfant. Elle

se voit comme la courroie de transmission entre les enseignantes et ses propres

enfants. Il lui arrive de gérer quelques problèmes de comportement qui parfois

nécessitent que les jeunes travaillent dans des endroits différents ou qu’il leur

soit attribué des conséquences si le travail n’est pas terminé, selon l’horaire

déterminé par la maman. Ceci peut signifier par exemple, que l’enfant doive

compléter le tout en après-midi avant de pouvoir effectuer des activités

ludiques. À titre de renforcement positif, elle planifie également des activités

récompenses. Même si elle n’est pas requise d’enseigner, elle avoue entériner

plutôt souvent ce rôle même si son chapeau de maman prédomine. Elle convient

qu’il y a beaucoup de matériel disponible incluant des ressources sur Internet, la

Trousse pédagogique du ministère de l’Éducation, des cahiers d’exercices provenant des

enseignantes et même des albums jeunes sur la station Télé-Québec en classe qu’elle adapte en fonction de la cadette et des plus âgés. Elle fait preuve d’imagination en créant des activités qui requièrent de la part de l’enfant, soit d’échanger avec ses grands-parents par internet ou encore avec d’autres membres de la famille élargie situés à l’extérieur du pays. Plusieurs activités intègrent également le quotidien de la famille et permettent de relier facilement l’apprentissage à leur application réelle. L’enseignante responsable a demandé à recevoir des photos du travail accompli par chacun des jeunes car elles doivent garder des traces.

​

À la question, quelles sont les exigences requises pour une maman dans ce contexte de pandémie? D’emblée, elle répond qu’il faut beaucoup de débrouillardise et de la patience car en même temps il lui faut s’occuper des tâches habituelles du quotidien qui ne sont pas sans leur lot de défis. À cela, il ne faut pas passer sous silence le rôle du papa qui, malgré son télé-travail et ses nombreux déplacements qui sont parfois en zones éloignées, n’hésite jamais à mettre l’épaule à la roue quand il peut se rendre disponible. Évidemment, cette double tâche entraîne son lot de fatigue. Comme elle avait déjà un lien de confiance établi avec les enseignantes, il lui est toujours possible de communiquer avec elles et de demander un ajustement. Elle reconnait une grande ouverture et une grande flexibilité de la part des enseignantes, facilitant ainsi la collaboration entre l’école et la famille.

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                                                                                    Tout ne se fait pas comme un roman à l’eau de rose. Certes, la famille ne

                                                                                    roule pas sur l’or et des préoccupations les plus diverses meublent son

                                                                                    quotidien. Malgré tout, la maman trouve le moyen de se motiver car elle

                                                                                    peut ainsi voir ses enfants en actions: les voir s’épanouir et développer leur

                                                                                    autonomie. Le choix des parents de les garder à la maison est également

                                                                                    basé sur cette situation unique, qui ne se représentera peut-être jamais:

                                                                                    «Vaut mieux profiter de cette opportunité de consolider les liens avec nos

                                                                                    enfants que d’avoir des regrets!». Elle ne tarie pas d’éloges à l’égard des

                                                                                    enseignantes de ses enfants dont elle apprécie grandement leur travail

                                                                                    colossal. Cette période de pandémie lui aura permis d’augmenter de façon

                                                                                    exponentielle un respect et une appréciation à leur endroit. Tout le monde

                                                                                    apprend au fur et à mesure. Tout n’est pas parfait, mais la flexibilité et la

                                                                                    résilience auront permis tant à l’équipe école qu’à la famille de pouvoir en

                                                                                    garder le souvenir d’une expérience positive.

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